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Les huiles essentielles face à la résistance bactérienne aux antibiotiques

La résistance bactérienne aux antibiotique constitue une menace urgente pour la santé publique mondiale, tuant au moins 1,27 million de personnes dans le monde et associée à près de 5 millions de décès en 2019, selon un rapport publié en 2022 dans The Lancet[1]. Aux États-Unis, plus de 2,8 millions d’infections résistantes aux antimicrobiens surviennent chaque année

Ces décès et infections antibiorésistantes sont le résultat d’une utilisation excessive d’antibiotiques, combinée à des protocoles hospitaliers d’hygiène qui ne fonctionnent pas ou qui ne sont pas respectés par le personnel hospitalier surmené. Les bactéries développent désormais une résistance aux substances mêmes utilisées dans les produits d’hygiène des mains des hôpitaux – principalement la chlorhexidine et le triclosan.

Environ 80 % des antibiotiques vendus sont destinés à l’agriculture animale; ils sont administrés aux animaux dans les aliments pour améliorer les taux de croissance et prévenir les infections. La résistance aux antibiotiques chez l’homme est favorisée par l’utilisation généralisée d’antibiotiques non thérapeutiques chez les animaux.[2]

Les huiles essentielles présentent une solution prometteuse au problème de la résistance bactérienne Contrairement aux antibiotiques les bactéries ne développent pas de résistance aux huiles essentielles en raison leur complexité, de la grande variabilité de leur composition et du fait qu’elles ciblent les bactéries pathogènes de multiples manières

Par exemple, les huiles essentielles qui inhibent efficacement à la fois le staphylocoque résistant à la méticilline (SARM) et l’entérocoque résistant à la vancomycine (ERV) comprennent l’arbre à thé, le thym, la menthe poivrée, la citronnelle et le géranium.[3]

Après avoir testé l’huile essentielle de sarriette sur15 souches de bactéries pathogènes résistantes à 5 antibiotiques différents (la pénicilline, la streptomycine, la tétracycline, l’ampicilline et la colimycine),  le Dr Jacques Pellecuer concluait avec étonnement :’’ À croire que « in vitro », plus la souche est résistante aux antibiotiques, plus elle est sensible à l’huile essentielle.’’

En outre, des études récentes ont démontré que les nanoparticules (NP) fonctionnalisées avec des huiles essentielles possèdent un potentiel antimicrobien significatif contre les agents pathogènes multirésistants.[4]

Les huiles essentielles peuvent également inverser la résistance des bactéries aux antibiotiques.[5] Trois mécanismes ont été identifiés[6] :

1- Inhibition spécifique des « pompes à efflux ». Ce sont des «canaux » dans la paroi cellulaire bactérienne qui rejettent un antibiotique avant qu’il n’ait le temps d’endommager mortellement la cellule. Il a été démontré que l’huile de pamplemousse, le géraniol et l’eugénol (les principaux constituants respectifs  des huiles de palmarosa et de clou de girofle) désactivent les pompes à efflux de certaines bactéries.

2- Activité antiplasmidique. Les plasmides sont des molécules d’ADN distinctes de l’ADN chromosomique, capable de réplication, qui participent aux transferts de gènes entre les populations bactériennes, et donc à la dissémination des gènes conférant des avantages sélectifs (par exemple des résistances aux antibiotiques). Diverses molécules naturelles, dont le menthol de la menthe poivrée, ont montré un effet antiplasmidique. [7]

3- Inhibition des « adhésines bactériennes ». Les adhésines sont des antigènes, situés dans la membrane bactérienne, qui lui confère un pouvoir d’adhérence sur la cellule qu’elle infecte. On sait que certains constituants importants des huiles essentielles, en particulier des monoterpénoïdes  (thymol, menthol et acétate de linalyle), inhibent les adhésines bactériennes.

D’autres mécanismes incluent celui du paracymène et du myrcène, qui ont peu d’effet antibactérien réel, mais facilitent grandement l’absorption par les bactéries d’autres substances, telles que les antibiotiques ou d’autres constituants des huiles essentielles.

Tout aussi important, les huiles essentielles ne se contentent pas de « tuer » les bactéries mais elles peuvent aussi inhiber efficacement la communication bactérienne en interférant avec un système de communication bactérien appelé « quorum sensing » (QS), ce qui empêche les bactéries de devenir virulentes.[8]

Les biofilms sont des agrégats de microorganismes enrobés par une matrice extracellulaire (MEC) d’origine microbienne et associés à une surface. Les biofilms contribuent grandement à la résistance bactérienne aux antibiotiques.

Les huiles essentielles qui sont dotées de propriété bactéricides importantes sont capables de neutraliser les biofilms, surtout celles qui sont riches en phénols, en aldéhydes, notamment le cinnamaldéhyde de l’écorce de cannelle, et dans une moindre mesure les monoterpénoïdes.  [9]

 

Maurice Nicole ND.A

ww.aromascientifique.com

 

[1] Antimicrobial Resistance Collaborators, Global burden of bacterial antimicrobial resistance in 2019: a systematic analysis, The Lancet, VOLUME 399, ISSUE 10325, P629-655, FEBRUARY 12, 2022

[2] Martin MJ, Thottathil SE, Newman TB. Antibiotics Overuse in Animal Agriculture: A Call to Action for Health Care Providers. Am J Public Health. 2015 Dec;105(12):2409-10..

[3] Carson, C.F., Cookson, B.D., Farrely, H.D., & Riley, T.V. (1995). Susceptibility of methicillin-resistant Staphylococcus aureus to the essential oil of Melaleuca alternifolia. Journal of Antimicrobial Chemotherapy 35(3), 421-424

[4] Chouhan S, Sharma K, Guleria S. Antimicrobial Activity of Some Essential Oils-Present Status and Future Perspectives. Medicines (Basel). 2017 Aug 8;4(3):58

[5] Langeveld, W. T., Veldhuizen, E. J., & Burt, S. (2014). Synergy between essential oil components and antibiotics: a review. Critical Reviews in Microbiology, 40, 76–94

[6] Source : www.hippocratus.com

[7] Schelz Z, Molnar J, Hohmann J. Antimicrobial and antiplasmid activities of essential oils. Fitoterapia. 2006 Jun;77(4):279-85. doi: 10.1016/j.fitote.2006.03.013. Epub 2006 May 11. PMID: 16690225.

[8] Nazzaro, F., Fratianni, F., De Martino, L., Coppola, R., & De Feo, V. (2013). Effect of essential oils on pathogenic bacteria. Pharmaceuticals, 6, 1451–1474

[9] INTERETS DES HUILES ESSENTIELLES DANS LA LUTTE CONTRE L’ANTIBIO-RESISTANCE INDUITE PAR LES BIOFILMS, T H E S E pour le DIPLOME D’ETAT DE DOCTEUR EN PHARMACIE présentée et soutenue publiquement le 19 décembre 2017 par Mr DUPIN Alban