Les Romains la surnommait « herbe sacrée » à cause de ses propriétés médicinales exceptionnelles; « salvia » dérive du mot latin salvo qui signifie guérir.
Dans toutes les population de l’antiquité elle était considérée comme une plante merveilleuse, on l’ajoutait souvent dans l’hydromel et la cervoise afin de se mettre en condition prophétique et pour en renforcer les incantations.
Il y a plus de 2000 ans déjà les Celtes connaissaient l’effet ensorcelant de la sauge et l’utilisaient pour préparer des tisanes et des infusion qu’ils buvaient lors des cérémonie religieuses pour entrer en transes. Ces transes ressemblaient à des crises collectives d’épilepsie, provoquées vraisemblablement par l’abondante présence des thuyones.
Les Égyptiens connaissaient déjà les propriétés médicinales de la sauge; ils s’en servaient en traitement contre l’infertilité.
Les anciens grecs puis les romains l’ont utilisé pour la première fois comme conservateur de la viande.
En France, sur ordre de François Ier, la sauge a été utilisée pour préparer l’eau d’arquebusade, à l’origine destinée à soigner les plaies causées par une arme, l’arquebuse, avant de devenir rapidement un remède traditionnel contre bon nombre de pathologies. Louis XIV, qui régna plus de soixante-dix ans, s’en faisait servir quotidiennement une infusion. Cette herbe était alors appelée « toute bonne ».
L’huile essentielle et ses chémotypes
La récolte se fait à un stade végétatif avancé de la fleur, presque à la fenaison. L’huile essentielle est obtenue par la distillation des sommités fleuries. Le rendement est de l’ordre de 1,2 à 3,6% pour une durée moyenne de 2 heures de distillation. L’huile essentielle est limpide, de couleur jaune très pâle et se caractérise par une odeur épicée et camphrée.
La composition de l’huile essentielle varie beaucoup en fonction de divers facteurs génétiques, climatiques, saisonniers et environnementaux. La recherche a permis d’identifier 5 chémotypes distincts : 1- α-thujone > camphre > 1,8-cinéole , 2- α-humulène, 3- β-thujone, 4- 1,8-cinéole/camphre et 5- sclaréol/α-thujone. (1) La majorité des huiles essentielles de sauge officinale appartiennent au premier chémotype : α-thujone (17.2–27.4%), 1,8-cinéole (11.9–26.9%), and camphre (12.8–21.4%).
Propriétés emménagogue, endocrinorégualtrice et « oestrogen-like »
C’est l’huile essentielle de la femme et de ses problèmes gynécologiques : aménorrhée, dysménorrhée, ménorragie, ménopause, congestion pelvienne. Son action sur la sphère génitale est tout à fait remarquable tant au niveau physiologique que psychologique. (2) Cette action est attribuée à la présence du viridiflorol, un sesquiterpénol dont le taux varie de 0,69% à 15,76% selon les nombreux échantillons analysés par le Dr. Robert Pappas (Essential Oil University). (3)
Cette hypothèse a été proposée par Franchomme et Pénoel dans leur ouvrage L’aromathérpie exactement (4) mais n’a pas encore été validée par des recherches pharmacologiques.
Cependant une étude effectuée en 2001 par l’équipe de Perry et al sur l’activité antiacétylcholinestérase de Salvia lavandulifolia (sauge d’Espagne), dans le cadre du traitement de la maladie d’Alzheimer, a aussi permis de démontrer in vitro qu’elle avait une activité oestrogénique. (5) Or on y retrouve également du viridiflorol comme dans Salvia officinalis.
Par ailleurs une étude in vivo menée en 2015, sur des rates, dans le but d’évaluer le potentiel de l’huile essentielle de thuya (Thuya occidentalis) dans le traitement du syndrome des ovaires polykistiques (SOPK) a révélé que cette huile essentielle et la thuyone qu’elle contient permettaient d’augmenter significativement la concentration sérique d’estradiol et de la progestérone. (6) La thuyone est également une composante majeure de l’huile essentielle de sauge officinale et pourrait contribuer à son activité endocrinorégulatrice.
Quelque soit le mécanisme d’action à l’œuvre ou les molécules responsables de cette activité l’usage traditionnel et l’expérience clinique en confirment largement la réalité. (7, 8, 9)
Renforcement du fonctionnement cognitif
L’examen de 8 études cliniques a permis de conclure que l’huile essentielle de sauge officinale augmente la performance cognitive, notamment la mémoire, la perception, l’attention, la vivacité mentale et le langage, tant chez les individus sains que chez les patients atteints de démence ou de déficiences. (10, 11) De plus elle améliore l’humeur dépressive, le sentiment de calme et de satisfaction. (12, 13) L’huile essentielle de sauge officinale peut aussi contribuer au traitement de la maladie d’Alzheimer en raison de son action inhibitrice de 46% de l’acétylcholestinérase à la concentration de 0,05 mg/ml. (14, 15)
Propriétés antidiabétique et hypocholestérolémiantes
La sauge officinale est un remède traditionnel contre le diabète utilisé dans de nombreux pays et de nombreuses études animales ont démontré ses effets hypoglycémiants.
Premier exemple, un extrait méthanolique de sauge officinale a permis de réduire de manière importante le glucose sérique de rats atteints de diabète de type 1 sans affecter la production d’insuline du pancréas. Deuxième exemple, une infusion de sauge officinale s’est révélée aussi efficace que la metformine, un hypoglycémiant pour le diabète de type 2, pour réduire le glucose sérique et accroître la sensibilité à l’insuline. Cette même étude a aussi révélé que certaines composantes de la sauge officinale, notamment le viridiflorol, permet de réduire les taux de cholestérol total, des LDL (mauvais cholestérol) et des tryglycérides tout en élevant le taux des HDL (bon cholestérol). (16)
D’autres recherches suggèrent que l’huile essentielle de sauge a aussi un effet hypoglycémiant antidiabétique. L’étude sur l’huile essentielle de thuya citée plus haut a clairement démontré que la thuyone, qui abonde également dans la sauge officinale, a un effet hypoglycémiant incontestable. (6) Une intéressante étude portant sur la prévention de l’infertilité de rats mâles avec les huiles essentielles de sauge officinale et de marjolaine (Origanum marjorana) a conclu que plusieurs terpénoides présents dans ces huiles essentielles sont en mesure de d’atténuer l’hyperlipédémie, l’obésité et le diabète de type 2 au moyen de l’activation des PPAR (Récepteurs activés par les proliférateurs de peroxysomes), en particulier le PPAR δ. (17, 18) |
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Propriétés anticancéreuses
Des recherches in vitro ont démontré que l’huile essentielle de sauge officinale induit l’apoptose de diverses lignées de mélanomes, de cellules cancéreuses du rein et de cellules leucémiques. (19, 20) Elle inhibe aussi la croissance des cellules squameuses du cancer oral. (21)
Propriétés antibactériennes et antifongiques
En 2011 l’évaluation de l’activité antibactérienne de l’huile essentielle de sauge officinale a conclu que, à condition d’être suffisamment concentrée, elle est plus efficace que les antibiotiques, particulièrement contre les bactéries résistantes aux antibiotiques. (22)
Plusieurs études ont mis en évidence son activité antibactérienne significative contre les bactéries cariogènes, telles que Streptococcus mutans, Lactobacillus casei et Actinomyces viscosus, ce qui suggère son utilisation dans les traitements dentaires. (23, 24)
Elle tue le Candida albicans, une cause fréquente de stomatites, principalement chez les porteurs de dentiers ou chez les personnes qui ont une mauvaise hygiène dentaire. (25) Elle inhibe nettement la prolifération de Trichophyton rubrum et de Epidermophyton floccosum, dermatophytes causant les infections fongiques cutanées les plus communes à travers le monde, et de Cryptococcus neoformans, une levure causant une méningo-encéphalite disséminée. (26)
Elle perturbe la membrane cytoplasmique du Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM) et accroît l’efficacité de l’oxacilline, un antibiotique utilisé pour neutraliser le SARM. (27)
La diffusion de 0,25 ml d’huile essentielle de sauge officinale dans une pièce a permis de désinfecter l’air ambiant de 73% des microbes et de 55% des levures et des champignons. (28)
L’ostéoporose
La recherche animale suggère que l’huile essentielle de sauge officinale pourrait être un remède efficace pour prévenir et traiter l’ostéoporose car elle inhibe les ostéoclastes, les cellules responsables de la résorption osseuse, et normalise le renouvellement osseux. (29) |
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Sources
- Philippe Mailhebiau, La Nouvelle Aromathérapie, Éditions Jakin, 1994
- EOU : https://essentialoils.org/
- Pierre Franchomme et Daniel Pénoel, L’aromathérapie exactement, Éditions Roger Jolois, 1990
- N.S.L. Perry, P.J. Houghton, J. Sampson, A.E. Theobold, S. Hart, M. Lis-Balchin, J.R.S. Hoult, P. Evans, P. Jenner, S. Milligan and E.K. Perry (2001), ‘In-vitro activity of Salvia lavandulifolia (Spanish sage) relevant to treatment of Alzheimer’s disease’ Journal of Pharmacy & Pharmacology, 53( 10), pp. 1347– 56.
- E. Küpeli Akkol et al., Thuja occidentalis L. and its active compound, α-thujone: Promising effects in the treatment of polycystic ovary syndrome without inducing osteoporosis, Journal of Ethnopharmacology 168 (2015) 25–3
- Paul Belaiche, Traité de phytothérapie et d’aromathérapie, Tome 3, ÉditionsMaloine, 1979
- Jean Raynaud, Prescription et conseil en aromathérapie, Éditions Médicales Internationales, 2006
- Michel Faucon, Traité d’aromathérapie scientifique et médicale, Éditions sang de la Terre, 2017
- Miroddi M, Navarra M, Quattropani MC, et al. Systematic review of clinical trials assessing pharmacological properties of Salvia species on memory, cognitive impairment and Alzheimer’s disease. CNS Neurosci Ther. 2014 Jun; 20 (6): 485-95.
- Kennedy DO, Scholey AB. The psychopharmacology of European herbs with cognition-enhancing properties. Curr Pharm Des. 2006;12( 35): 4613-23.
- Perry NS, Bollen C, Perry EK, Ballard C. Salvia for dementia therapy: review of pharmacologyical activity and pilot tolerability clinical trial. Pharmacol Biochem Behav 2003 Jun;75(3):651–9.
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